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La dépêche du CATC

Dépêche / Septembre 2017

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A un moment donné

Sous-bois

 

 

A un moment donné…

 

A un moment donné, on perd l’arrogance de vouloir améliorer la vie. Tout espoir d’amélioration est lié à une histoire personnelle : c’est encore une histoire. La vie spirituelle ne consiste pas à améliorer son histoire, mais à voir que l’histoire est une histoire.

C’est seulement à ce moment que quelque chose de frais se passe. Paradoxalement, c’est au moment où l’on ne cherche plus à se libérer qu’il y a désencombrement. Le moindre espoir est un obscurcissement. Avoir un espoir c’est désespérer de ce qui est là et on désespère de ce qui est là quand on ne sait pas regarder.

Savoir regarder, c’est cela la grâce et la grâce est tout. Il n’y a pas d’école de grâce, de maître de grâce, de technique de grâce. Il n’existe pas de stratégie pour devenir humble. La grâce est une évidence et, lorsqu’elle survient, elle est aussi inévitable que tout le reste de notre vie. On ne se donne pas à la méditation ou au Yoga pour trouver la grâce ; on le fait parce que la grâce a déjà fait son œuvre en nous touchant d’une manière ou d’une autre.

 

Il n’y a pas de sommet, de réussite, d’accomplissement ou d’aboutissement à la vie spirituelle. Pas de médaille d’or à recueillir, pas de prix Nobel à attendre. La fin est aussi le début, en un seul instant. Maître Eckhart résume merveilleusement cette vérité, quand il suggère de « s’élever à la hauteur de Dieu, alors on obtiendra la perfection et la stabilité de l’éternité. Car là il n’y a plus ni de temps ni d’espace, d’avant ni d’après, mais tout est actuellement décidé dans un nouveau, dans un verdoyant « voici que ! » dans lequel mille ans sont aussi courts et aussi rapide qu’un instant. »

Cela mène à l’absence d’intervention personnelle. Ne pas intervenir ne signifie pas que je suis là et que rien ne se fait. C’est exactement le contraire : tout se fait mais « je » n’est pas là. Il n’y a plus l’image d’un quelconque moi pour croire qu’il y a des choses à faire, pour calculer, s’inquiéter, se réjouir, ou s’attrister des résultats et pour se projeter continuellement dans le temps.

En pratique, cela vient quand nous constatons combien nous sommes presque sans arrêt dans le « faire », dans le projet, tournés vers une récompense à venir… Mais rien ne surpasse certains pathétiques ateliers de développement personnel et le cirque de la soi-disant spiritualité occidentale moderne dans son paroxysme de décadence.

Le constat que nous sommes presque perpétuellement dans le vouloir faire suffit à initier une transformation véritable. Comment vous sentez-vous lorsque vous n’êtes plus là pour vous inquiéter et vouloir intervenir ?

Qu’arrive-t-il quand vous ne sentez plus que vous devez faire du Yoga, méditer, faire le vide, vous améliorer, avoir des pensées positives ou devenir éveillé ?

Un poids gigantesque tombe de vos épaules, une tranquillité énorme devient disponible pour écouter et agir. L’intensité naturelle de l’existence peut alors être ressentie pleinement et devient efficiente.

La véritable discipline c’est l’intensité, l’enthousiasme d’un cœur ardent débordant. C’est le cœur d’une démarche authentiquement spirituelle. Tout le reste vient de notre mémoire et fait appel à une volonté individuelle, à un ramassis de conditionnement ; tout cela participe de l’imaginaire du temps.

 

Jean Bouchart D’Orval