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Dépêche / Janvier 2016

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Diététique pratique

Le thé « Cha »

Le thé « Cha »

Le théier, Camelia Sinesis, est originaire d’Asie. Ses feuilles sont consommées depuis cinq mille ans en Chine.


La lé
gende attribue sa découverte à Shen Nong, dit le divin laboureur, empereur mythique et père fabuleux de l’agriculture et de la pharmacopée chinoise. Il serait l’auteur du premier ouvrage de pharmacopée, aujourd’hui disparu, le Shen Nong Ben Cao Jing. Cette matière médicale intègre 365 substances médicinales classées en trois grands groupes selon le niveau de toxicité et d’utilisation des remèdes.

Il nous est conté qu’il goûtait plus de cent herbes chaque jour et s’intoxiquait près de soixante dix fois par jour.

Mi-homme, mi-divinité, il est tantôt décrit comme un homme à tête de bovidé au tronc partiellement transparent, tantôt accompagné d’un animal mythique invisible. Il aurait acquis sa grande connaissance des plantes en les goûtant. La transparence de son corps, ou celle de son animal, lui permettait de connaître le trajet interne parcouru par les herbes ingérées.

Shen Nong

 

Une des nombreuses légendes raconte qu’un jour, au cours d’une de ses sorties en forêt, il ingéra soixante douze plantes différentes puis décida de se reposer au pied d’un théier. Alors qu’il était en train de se faire bouillir de l’eau, il fut pris de violentes douleurs abdominales et d’une forte fièvre. Épuisé et empoisonné, Shen Nong s’assoupit. 
Quelques minutes plus tard, la brise se leva et agita l’arbre à thé. De ses feuilles quelques perles de rosée s’écoulèrent jusqu’a goutter dans la bouche du divin laboureur. Surpris par ce parfum délicat, l’empereur mythique se réveilla et goûta une première feuille qu’il trouva d’une saveur remarquable. Il en goûta une deuxième, puis une troisième
 et constata que ses douleurs abdominales et sa soif s’apaisaient. 
Baissant le regard vers l’eau qui bouillait, il constata que d’autres feuilles flottaient dans son récipient en terre. Il but cette eau âpre et amère qu’il trouva fort à son goût. Les douleurs et la fièvre disparurent totalement. Le divin laboureur fut désintoxiqué et sauvé. 
Ainsi, Shen Nong découvrit  la valeur du thé médicinal.

 
Durant plusieurs siècles, le thé ne fut consommé que pour ses propriétés. 
Il n’était alors pas préparé sous forme d’infusions telles que nous les connaissons aujourd’hui. Tout d’abord mâchées, les feuilles de thé connurent ensuite deux grandes périodes avant l’ère de l’infusion.

Sous la dynastie des Zhou (-1046 -256) puis des  Han (-206 +220) il sert d’offrande. La noblesse l’estime pour ses nombreuses vertus, soulageant la fatigue, chassant le sommeil, allégeant le corps, réjouissant l’âme, renforçant la volonté et source de jeunesse. Les feuilles de thé étaient préparées puis compressées en boule ou sous forme de brique (comme aujourd’hui pour certains Pu-Er) pour faciliter son stockage et son transport. Le thé était consommé bouilli, salé, sous forme de soupe, mélangeant gingembre, légumes, oignons… De nos jours, le thé salé au beurre de yack, qui est consommé auTibet, témoigne de cette façon de préparer le thé. En application externe, les feuilles étaient utilisées pour soulager les douleurs articulaires.

 Le thé se popularise et se développe avec la dynastie des Tang (+618 +907). Il s’épanouit avec celle des Song (+960 +1279).

Thé

C’est entre 760 et 780 que Lu Yu (+733 +804), célèbre poète, devint grand maître de l’art du thé. Il écrivit le « Cha Jing », « Le Classique Du Thé ».  Dans cet ouvrage, Lu Yu codifia le rituel du thé, traitant de ses origines, des étapes de sa fabrication, des différentes façons de le boire, et de ses vertus. Il perçut ainsi dans son service et sa préparation l’ordre et l’harmonie qui résident en toutes choses.

Au thé, on n’adjoignit alors plus que du sel et le rituel de préparation devint art et philosophie. Avec l’art du thé se développeront le taoïsme et le bouddhisme.

Sous la dynastie Song (960-1279), la consommation du thé se démocratise et  les techniques de préparation évoluent. Il est réduit en poudre dans un petit moulin de pierre puis battu dans de l’eau très chaude avec un fouet en bambou, jusqu’à l’obtention d’une mousse délicate. L’utilisation du sel dans la préparation se raréfia avant d’être totalement abandonnée. Cette technique de préparation existe encore au Japon pour la préparation du thé Matcha.

Thé fouet

La préparation du thé sous forme d’infusion telle qu’on la connait, date de la la dynastie Ming (1368-1644).

Thé infusion

 

Des feuilles fraîches au thé

Il existe près de trois mille sortes de thés  différents : le blanc, le noir, le vert… Un grand nombre de paramètres permettront de déterminer sa variété et sa qualité : le mode de culture, la qualité du sol,l'altitude, la température, la pluviométrie, la période de récolte…

Au moment de la cueillette, les feuilles sont minutieusement sélectionnées selon des critères propres à chaque sorte de thé. Une fois ramassées, sous l’action de la chaleur et de l’air, elles subissent une première étape de préparation : le flétrissage.

le flétrissage

À part pour certains thés dont les thés blancs et certains thés verts, intervient ensuite l’étape du roulage. Elle consiste à déposer les feuilles sur une plaque chaude et à les rouler sur elles-mêmes dans le sens de la longueur afin de faire ressortir leurs arômes. Le roulage leur donne la forme que nous connaissons aujourd’hui.

Pour le thé noir, l’objectif est légèrement différent. Sa technique de roulage singulière permet d’accentuer l’oxydation en abimant le bord des feuilles. Après le roulage, suit l’oxydation. Soumises à une atmosphère chaude et humide, les feuilles, « abimées » par l’étape précédente, noircissent. Ce phénomène est identique à celui qui se produit lorsqu’on laisse une pomme peléà l’air libre, elle brunit.

Plus les feuilles seront oxydées, plus le thé sera de couleur noire. Selon la variété de thé que l’on veut obtenir, intervient ou pas l’étape de dessiccation : les feuilles encore humides sont chauffées à une température élevée. Ce séchage intense va alors permettre de stopper l’oxydation.



Les principales variétés de thés 

Le thé blanc - Bai Cha 

Thé blanc

 

C’est  une spécialité de la province de Fujian. Le procédé de préparation est minimaliste. Le thé blanc est très légèrement, voire pas du tout oxydé. De jeunes feuilles sont récoltées avec de nombreux bourgeons (ou uniquement des bourgeons) puis elles sont traditionnellement juste flétries et séchées au soleil puis à l’ombre. Cette préparation permet d’obtenir une déperdition lente d’eau. Les feuilles et les bourgeons de thé sont très délicatement manipulés afin de limiter les réactions d’oxydation. Ainsi les feuilles du thé blanc, selon sa qualité, seront tantôt de couleur verte couverte de petits poils blancs, tantôt de couleur verte sur la face antérieure de la feuille et blanche sur sa partie postérieure. Les bourgeons quant à eux restent d’un blanc uniforme. Son bouquet, plutôt discret, nécessite un temps d'infusion relativement long et une température douce.

 

 

 

                  

Le thé vert - Lü Cha

Thé vert

Ce thé est non fermenté et peu oxydé. Il se caractérise par ses feuilles vertes.  Le roulage est court, parfois inexistant. Des jeunes pousses avec un bourgeon et deux ou trois feuilles sont récoltées, puis, séchées rapidement après leur cueillette, évitant ainsi une oxydation trop importante.

 

Le thé WLong  ou Oolong

Le thé Wu Long  ou Oolong

 

Ses feuilles, d’un vert/gris brillant, ont un aspect relativement grossier. Une fois que de nouvelles ramilles ont formé cinq à six feuilles, les  deux à trois premières feuilles sont prélevées. Elle ne devront être ni trop jeunes, ni trop vieilles. Il s'agit d'un thé semi-oxydé puisque l’oxydation est stoppée avant qu’elle ne soit totale. On peut classer ce thé à mi-chemin entre le thé vert, qui n'est pas oxydé, et le thé noir pour lequel l'oxydation aura été complète.

 

Le thé noir - Hong Cha 

Le thé noir  

Le thé noir est dit « rouge » en Chine, en référence à la couleur de l’eau après infusion. Produit à partir de jeunes feuilles, ce thé est totalement oxydé. Sa fabrication comprend trois étapes : après le tri et le flétrissage, les feuilles sont roulées à la main. Ce roulage est plus ou moins intense, long et serré, ce qui donnera une infusion plus ou moins astringente ou corsée.  Puis les feuilles sont séchées.

 

Thé Tuo Cha ou Pu-Er 

Thé Tuo Cha ou Pu-Er

Il est cultivé exclusivement dans la province du Yunnan, entre mille et deux mille mètres d’altitude.  Il doit son nom à la ville de Pu-Er. Le thé était compressé pour pouvoir être plus facilement transporté par les caravanes jusqu'au Tibet. C’est un thé post fermenté. Contrairement aux autres thés, le Pu-Er se bonifie avec le temps. Actuellement, il existe deux procédés de fabrication du Pu-Er :

  • le thé vert compressé, Sheng cha ou thé cru  est fabriqué comme un thé vert puis parfois compressé. C’est un thé post fermenté et semi oxydé.
  • le thé noir compressé Shu cha ou thé cuit  suivant une technique datant des années 1970, la fermentation est accélérée et les feuilles de thé sont présentées en vrac ou compressées. Il est totalement oxydé.

 

Propriétés et indications des thés 

Tous les thés sont de nature fraîche et de saveur amère et douce.
Ils sont indiqués en cas  de chaleur, de soif, d’agitation.

Ils aident à la digestion notamment en cas d’indigestion de graisses animales ou végétales et de lait.

Ils atténuent les méfaits de l’excès d’alcool.

Ils favorisent la diurèse et traitent les douleurs urinaires de type brûlures par Chaleur de la Vessie ou Chaleur Humidité de la Vessie.

Ils traitent  les diarrhées odorantes par Chaleur Humidité. 

Ils transforment l’Humidité Chaleur ou le Tan Chaud notamment en cas de toux  accompagnée de mucosités jaunes et épaisses.

Pour une action thérapeutique, il faut consommer 5 à 10g de thé par jour.

Le thé est asséchant. Une consommation régulière sera déconseillée en cas d’insuffisance de Sang ou de Liquides pouvant se manifester par la sécheresse de la bouche, de la gorge, de la peau, de la toux sèche, des crampes, de l’aménorrhée, des insomnies, de la maigreur… Pendant la grossesse et en période d’allaitement. 

De nature fraîche, il sera à éviter en présence de Froid et d’insuffisance de Yang Qi pouvant se manifester par de la frilosité, de la fatigue, des douleurs épigastriques soulagées à la chaleur…

Plus un thé est oxydé, plus il sera facilement transformé par les fonctions Rate-Estomac et correctement assimilé. Ainsi, lorsqu’on souffre de difficultés digestives, le thé noir sera plus indiqué que le blanc.

De plus,  un thé fermenté sera plus facilement transformé et assimilé qu’un thé oxydé. Ainsi en cas de difficultés digestives, en fin de repas, un Pu-er sera plus indiqué qu’un thé noir.

Plus un thé est oxydé, moins il contiendra de Jing, c’est à dire que son effet thérapeutique sera moindre. Ainsi un thé blanc contient plus de Jing qu’un thé noir. De par son procédé de fabrication, le thé noir compressé Shu cha ou thé cuit  contient très peu de Jing.

Au fur et à mesure du temps, le thé perd de son Jing, à part le Pu-Er Sheng Cha, qui se bonifiera.

En cas d’insuffisance de Qi de la Rate ou de l’Estomac qui pourrait se manifester par une lenteur digestive, de la fatigue après le repas, des ballonnements, des selles molles, il sera vivement conseillé de consommer un thé post fermenté comme le Pu-Er Sheng.

 

Préparation du thé

Traditionnellement, le thé est préparé avec de l’eau fraîche et peu minéralisée.
L’eau est chauffée jusqu’à ébullition. La théière est ensuite ébouillantée, puis cette première eau est jetée. Le thé est alors placé dans la théière et la vapeur encore présente prépare les feuilles qui, ré-hydratées commencent à laisser apparaître leur arôme.

Une deuxième eau est chauffée jusqu’à température souhaitée et versée sur les feuilles de thé.

Les thés blancs infuseront 5 à 10 mn selon les variétés dans une eau à 70 degrés.
Les thés verts infuseront 1 à 5 mn selon les variétés dans une eau de 40 à 75 degrés
.
Les thés noirs infuseront 2 à 5 mn selon les variétés dans une eau de 80 à 95 degrés
.
Les thés Pu-
Er infuseront 4 à 5 mn selon les variétés dans une eau à 95 degrés.

Préparation thé

 

Quelques recettes

 

Thé noir aux baies de goji 

Les baies de goji tonifient le Yin notamment du Foie et du Rein. Cette préparation est traditionnellement consommée par les femmes souffrant de bouffées de chaleur ou de transpirations nocturnes par insuffisance de Yin lors de la ménopause.

 Ingrédients :

  • 300ml d'eau
  • 30g de baies de goji
  • 5g de thé noir

Verser l’eau sur les baies et laisser infuser 10mn
Préparer la théière et déposer le thé dedans.

Verser l’eau et les baies sur le thé et laisser encore infuser 5mn. 

Infusion à boire trois fois par jour.


Thé vert aux fleurs de chrysanthèmes 

La fleur de chrysanthème est très rafraîchissante, elle est couramment utilisée l’été en cas de chaleur caniculaire. Associée au thé, cette boisson est rafraîchissante et étanche la soif.

Ingrédients :

  • 300 ml d’eau
  • 5g de fleurs de chrysanthème
  • 3g de thé vert

Après préparation de la théière, verser l’eau sur les fleurs et le thé et laisser infuser 5mn.


Thé aux épices

Les épices utilisées ici sont toutes réchauffantes. C’est une bonne façon de consommer du thé en hiver ou en présence de Froid dans le foyer moyen causant des difficultés digestives et des douleurs épigastriques soulagées à la chaleur. C’est également une boisson adaptée en cas d’atteinte de Vent froid externe se manifestant par un rhume sans fièvre.

Ingrédients :

  • 300 ml d’eau
  • 1/2 cuillère à café de gingembre frais pelé et râpé
  • 5g de Pu-Er ou de thé noir
  • 1/2 cuillère à café de cardamome moulue
  • 4 pincées de cannelle en  poudre
  • 2 clous de girofle moulus
  • 1 pincée de poivre noir moulu

Verser l’eau et tous les ingrédients sauf le thé dans une casserole. Faites chauffer le tout. À ébullition, couvrir et laisser cuire 5 minutes à feu doux. Stopper la cuisson.
Préparer la théière, déposer le thé au fond et verser le mélange d’eau épicée à température souhaitée. Laisser infuser 5mn.

 

Bibliographie 

Dominique et Marie-Joseph HoizeyHistoire de la médecine chinoise- Èditions Payot er Rivages
Genming Huang,
 Origine et développement de la médecine chinoise (http://www.zhongyi.net)
F
rancis Ross Carpenter,  traduction par Sœur Jean Marie Vianney, Le classique du thé : la manière traditionnelle de faire le thé et de le boire / par Lu Yu - Éditions Morel
Sabine Yi, J. Jumeau-Lafond et Walsh M., 
Le livre de l'amateur de thé -  juillet 1979
Kevin Gascoyne, Fran
çois Marchand, Jasmin DesharnaisThé : Histoire, terroirs, saveurs - Les Èditions de l'Homme
Sen Soshitsu, Vie du thé, esprit du thé - Essai broché

Lu Yu, traduit du chinois par Catherine Despieux, Le classique du thé - Éditions Payot et Rivages
Lu Yu,  traduit du chinois par Véronique Chevaleyre, Le Cha Jing ou Classique du thé - Ed. J
ean-Claude Gawsewitch
John Blofeld
Thé et tao : L'art chinois du thé -  poche
Paul ButelHistoire du thé - Étude, broché.
Pierre Sterckx et Chen JunDiététique des quatre saisons - Presses universitaires Guang Ming
Philippe Sionneau et Josette ChapelletCes aliments qui nous soignent : La diététique chinoise au service de votre santé - Guy Trédaniel Éditeur