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La dépêche du CATC - ARTICLES ET FORMATIONS PROPOSEES

Dépêche / Mars 2016

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Le mot du président

Le terme « QI » traduit par « énergie » dans les cours de médecine chinoise.

 

Dès qu’on se lance dans les études de médecine traditionnelle chinoise (MTC), on rencontre le terme Qi que les occidentaux traduisent le plus souvent par « énergie ». Mais cette traduction pose problème dans la mesure où ce terme « énergie » est mis à toutes les sauces. Il est question d’énergie de l’air, des aliments, de l’énergie défensive, de l’énergie spirituelle, de l’énergie nourricière, de l’énergie vitale, de l’énergie ancestrale, de l’énergie originelle, de l’énergie des organes, de l’énergie « perverse » etc..  Ce terme n’est d’ailleurs pas l’exclusivité de la MTC, et nous le retrouvons dans de nombreux domaines qui vont de la physique au spiritisme, en passant par toutes les thérapeutiques « new-âge ». L’existence de cette multitude d’expressions qui utilisent toutes le mot « énergie » a pour conséquence que plus personne ne s’y retrouve et qu’au bout du compte les concepts liés à la médecine traditionnelle chinoise sont tous plus flous les uns que les autres. Cette situation contribue à rendre peu crédible les fondements de cette médecine pluri millénaire et à décourager ceux qui voudraient comprendre ce dont il s’agit. En occident les termes « énergie » et « matière » sont souvent mis en relation. Mais le terme matière est tout aussi flou que celui d’énergie. A ce propos,  dans les conceptions courantes, il est souvent formulé que la matière est également « énergie », ou que tout est "énergie" .. alors, que faire de tout cela ? 

 

 Au CATC, nous avons choisi de supprimer de nos cours, autant que faire se peut, les termes énergie et matière.  Nous les remplaçons par des mots adaptés au contexte précis des notions étudiées. Ainsi le mot QI sera traduit selon le cas par : fonction, par substance subtile, par vitalité, par gaz, par climat, par individualité, etc… Le mot matière sera remplacé par substance grossière, par tissus organiques, par forme grossière, etc.. Car c’est une des particularités de la langue chinoise qu’un mot n’ait pas de sens défini à strictement parler, mais dépende de son contexte pour en prendre un. En Médecine traditionnelle chinoise, comme le mot QI est traduit le plus  souvent par énergie, et qu’à priori, ceux qui l’utilisent considèrent que cette « énergie » circule dans le corps, l’étudiant en MTC est amené à apprendre que dans le corps, ou dans les méridiens, ou hors des méridiens, circulent un grand nombre d’énergies qui se côtoient, et sur lesquelles il sera sensé agir. Quand il insérera une aiguille dans les tissus, comment pourra-t-il savoir si « l’énergie » qu’il interpelle est l’énergie défensive, nourricière, perverse, véritable, ancestrale, originelle, puisque soit-disant, elles circulent dans toutes les parties du corps ? Un jour, j’ai entendu un praticien-enseignant dire à ses élèves subjugués, que s’ils se concentrent bien, ils peuvent voir sortir l’énergie perverse par le manche de l’aiguille. Sans commentaire !

 

La plus grande erreur (parmi d’autres qui sont également loin d’être négligeables) réside dans la confusion entre Qi substance et Qi fonction. Et je voudrai insister là-dessus. En effet, la MTC ayant subi l’influence du point de vue occidental qui considère que la structure produit la fonction, la plupart de ses représentants ne voient dans la physiologie qu’une « théorie des organes-entrailles », dans laquelle il est question de "l'énergie des organes". Dans ce contexte, il n’est fait aucune distinction entre le terme Qi de "Qi des organes" et du même terme QI qui concerne ce qui est censé circuler dans les méridiens. Dans les deux cas, il est question « d’énergie ». Alors qu’en réalité nous avons à faire à deux phénomènes totalement différents dans leur nature. Déjà, ce ne sont pas les organes qui produisent les fonctions, mais les fonctions qui fabriquent du tissu organique ; d’autre part ce qui circule dans les méridiens est une substance subtile, alors que les fonctions (dont les tissus organiques ne sont que les supports) sont des « savoir-faire » de la conscience de l’être. 

 

La méconnaissance de ces notions, aboutit à des propos tels que : « Pourquoi parler de « médecine traditionnelle chinoise », autant dire simplement « médecine chinoise » ! ou bien encore : « En fait l’acupuncture agit sur les nerfs, et c’est tout ! » ; ou encore « la modernité est le prolongement de la Tradition ! » … et les personnes qui tiennent ces propos sont souvent enseignants dans des écoles, se targuent de parler chinois, font référence aux anciens, etc… étonnant non ? !

 

Toute cette confusion autour de ce mot Qi est sous-tendue par le fait que les informations transmises concernant la physiologie en MTC font abstraction, par ignorance pure et simple, des données traditionnelles liées aux différentes manifestations formelles. Celles-ci en effet distinguent les formes subtiles des grossières, et les substantielles des non substantielles. De plus la Tradition nous apprend que les formes, quelles qu’en soient les modalités, ne sont que les produits d’une intelligence fonctionnelle, ou physiologique, qui elle n’a aucune forme. La Tradition nous apprend aussi que l’on ne peut rien comprendre au phénomène vivant si l’on ne prend pas en compte des domaines de réalité comme le non-manifesté, le manifesté informel et le manifesté formel. Toutes ces notions fondamentales, sont incompatibles avec une vision simpliste telle que la dualité « énergie-matière ».

 

 En étudiant la physiologie sous un angle authentiquement traditionnel, il est tout à fait possible, et je dirai même nécessaire, de se passer du mot « énergie » et de traduire le mot Qi par le terme qui correspond exactement aux contextes philosophiques, physiologiques, pathologiques étudiés. C’est ce à quoi nous travaillons au CATC, dans le cadre de notre enseignement.

 

Michel Laurent, président du CATC