Comme vous pouvez le lire à la une de ce numéro de notre dépêche, le CATC a eu la joie d’accueillir une nouvelle promotion à Lausanne en Suisse, et ne va pas tarder à en accueillir également une nouvelle à Lyon. Un premier stage pour de nouveaux étudiants, et de fait, le premier choc culturel.
En effet, les cours de ces deux premières journées concernent principalement la Tradition extrême orientale et sa façon d’envisager la relation entre l’homme et l’univers. La nouveauté des informations reçues tranche avec ce qui est couramment admis dans notre culture occidentale et surtout en ce qui concerne la façon d’envisager la place de l’homme sur terre. La difficulté réside dans le fait de passer d’une vision matérialiste à une approche spiritualiste au véritable sens du terme.
Ce qui pose le plus de problème, c’est d’envisager qu’il puisse exister différents domaines de réalité. L’homme occidental, pétris par la mentalité scientifique moderne, a appris à ne considérer comme réel que ce qui se voit, ce qui tombe sous les « sens », ou ce qui lui « apparaît ». Et quand il part à la recherche de l’origine des choses ou des phénomènes, il le fait en explorant l’espace le plus loin possible, ou en tentant de remonter le temps, le plus loin possible aussi. Le résultat de ses recherches débouche sur des théories qui changent régulièrement au fil des décennies. Quelqu’un a dit : « la science moderne n’est qu’un cimetière de théories ».
Pour les anciens sages d’extrême orient, l’origine des phénomènes n’est pas à rechercher dans les phénomènes eux-mêmes, aussi macro ou microscopiques qu’ils soient. Chercher dans le monde une origine au monde, c’est comme chercher sur la circonférence le centre du cercle : on est condamné à tourner en rond. Le centre n’est pas sur la circonférence. Mais il en est à l’origine. Sans le centre pas de circonférence, et sans circonférence pas de cercle. Le point fait la circonférence et du même coup le cercle. Mais sans le point, pas de circonférence ni de cercle. L’origine des phénomènes qui constituent ce que l’on nomme le monde n’est pas de ce monde.
L’origine de ce qui nous apparaît est « au delà » de ce qui nous apparaît. D’un point de vue traditionnel, l’origine est identique au Principe. Et le Principe de ce qui se manifeste à nous, appartient à un autre domaine de réalité, à une réalité « tout autre ». Si je trace un cercle sur une feuille de papier : le cercle ne peut exister sans la circonférence, et la circonférence sans le centre. D’autre par le point ne peut pas exister sans la feuille sur la quelle il est posé ; mais la feuille n’est pas le cercle. Elle est au-delà de lui. Mais sans elle, le cercle ne peut se manifester, ne peut « exister ». Ainsi en va-t-il de tous les phénomènes de ce que nous appelons la nature. Ils n’ont aucune réalité par eux-mêmes, mais n’existent que par une réalité qui les dépassent et qui fait qu’ils sont ce qu’ils sont. De même la feuille de papier ; elle n’a de réalité que par l’espace qui lui permet d’être ce qu’elle est. Une feuille de papier, c’est de l’espace en forme de feuille. Que la feuille soit là ou non ne dérange en aucune façon l’espace. Que nous dessinions ou non un cercle sur la feuille n’affecte ni la feuille, ni l’espace. Ainsi chaque individualité humaine est à ce qui le dépasse, ce que le cercle est à la feuille, et la feuille même à l’espace, et l’espace à…
La capacité à rentrer dans ce point de vue traditionnel est le défi que relèvent nos étudiants qui rentrent en première année. Je leur souhaite une confiance sereine pour faire ce chemin qui, s’appuyant sur la remise en question de leurs idées reçues, leur permettra de s’ouvrir à des perspectives de conscience aptes à faire rentrer en eux la lumière si peu présente en ces temps d’obscurité collective que les hindous nomment « Kali Yuga » (âge sombre).