Conte taoïste
Le sage et le devin - Conte taoïste
(Il s’agit d’un condensé du chapitre XIII du livre II du Vrai Classique du vide parfait attribué à Lie Tseu)
Lie-Tseu étudiait depuis plusieurs années avec le vénérable Hou. Un jour, il lui rendit visite et lui dit :
- Maître, je viens prendre congé. J’ai rencontré un sage qui est plus avancé que vous sur le chemin du Tao. Je vais aller étudier avec lui.
- Bon, très bien, répondit le vieux Hou avec une lueur amusée dans le regard. Et qui est ce grand sage ?
- Il s’appelle maître Ki. Il est devin et magicien. Il a de très grands pouvoirs ; il guérit les maladies, peut voir l’avenir, il peut même prédire le jour et l’heure de notre mort.
- Merveilleux ! J’aimerais beaucoup rencontrer ce grand maître et profiter moi aussi de son savoir. Peux-tu me le présenter ?
Le lendemain, Lie-Tseu revint chez son maître avec le fameux devin qui portait tout l’attirail de sa fonction : un bonnet orné de miroirs, une cape jaune brodée de trigrammes, une épée magique.
Après l’entrevue, Lie-Tseu raccompagna le magicien sur le chemin. Celui-ci lui dit :
- Ton maître est très malade. S’il n’est pas correctement soigné, il ne passera pas la semaine. Je reviendrai demain pour tenter un traitement dont j’ai le secret. Mais je ne suis pas certain du résultat car son état est très préoccupant.
Lie-Tseu revint en courant auprès de maître Hou pour lui répéter, tout affolé, ce que le devin lui avait dit.
Le vieux sage fut secoué d’un grand rire et dit :
- Je ne manifeste que ce que je veux bien montrer. Je lui ai caché mon énergie vitale et il me croît au seuil de la mort. Attendons demain et ton magicien aura une belle surprise.
Quand le devin entra le lendemain chez le vieux Hou, il poussa un cri et s’enfuit en courant. Le sage dit alors à son disciple :
- Rattrape-le et demande-lui ce qu’il a !
Lie-Tseu courut après le magicien, et le pria de lui expliquer son attitude. Celui-ci, tremblant de la tête aux pieds, bredouilla :
- Je ne comprends pas, je n’ai jamais vu ça… Hier il était mourant et aujourd’hui, j’ai cru voir un dragon qui allait bondir sur moi. C’était terrifiant.
Lie-Tseu revint près de son maître répéter les paroles du devin. Et le vénérable Hou souleva le lichen de ses sourcils et soupira :
- Je me suis montré à lui dans l’état de l’union parfaite avec le Tao, le Grand Vide, l’Origine insondable de toute chose. Et ton fameux maître a eu le vertige.
