Sujet de réflexion, par Mani Burband, formatrice au CATC
Voici un sujet de réflexion qui vous est proposé, vous qui êtes ouverts à la philosophie taoïste, vous qui êtes intéressés par les principes de la Médecine Chinoise Traditionnelle.
Vous pouvez envoyer le résultat de vos réflexions à mani.catc@gmail.com
, et une synthèse en sera élaborée et diffusée au prochain numéro de la Dépêche du CATC.
De Natura Rerum, est un grand poème en langue latine du poète philosophe latin Lucrèce, qui vécut au 1er siècle avant notre ère.
Composé de six livres totalisant 7 400 hexamètres dactyliques, mètre classique utilisé traditionnellement pour le genre épique, il constitue une traduction de la doctrine d’Épicure.
Le poème se présente comme une tentative de « briser les forts verrous des portes de la nature », c’est-à-dire de révéler au lecteur la nature du monde et des phénomènes naturels.
Selon Lucrèce, qui s'inscrit dans la tradition épicurienne, cette connaissance du monde doit permettre à l'homme de se libérer du fardeau des superstitions, notamment religieuses, constituant autant d'entraves qui empêchent chacun d'atteindre l'ataraxie, c’est-à-dire la tranquillité de l'âme.
« Il n'y a sans doute pas de plus beau poème scientifique que le De Natura Rerum. »
Voici un extrait de l’émission « Sur les épaules de Darwin », présentée par Jean-Claude AMEISEN sur France Inter.
“Il y a -dit Greenblatt[1]- dans De Natura Rerum, des notions qui paraissent aujourd’hui anachroniques, datées : la génération spontanée des vers, l’idée que les tremblements de terre sont causés par le souffle des vents dans des cavernes souterraines, l’idée que le Soleil tourne autour de la Terre. »
Mais il y a aussi des notions d’une surprenante modernité.
Il y a l’idée que l’ensemble de l’univers, y compris l’univers vivant qui nous entoure et nous inclut, est émergence, transformations, métamorphoses.
L’idée que la nature, Natura -littéralement ce qui est en train de naître-, est en perpétuel devenir.
Que la sensation d’éternel présent, d’éternel retour, le cycle des nuits et des jours, le cycle des saisons, le cycle des naissances, des croissances, des enfantements, du vieillissement et de la mort, et l’impression d’immuabilité scandée par le course des étoiles dans le ciel et les tremblements de la vie sur la Terre correspondent à une illusion.
L’idée que l’univers s’est construit et a évolué à partir d’interactions, de recombinaisons aléatoires entre des composants élémentaires de la matière. En dehors de tout projet, de toute intentionnalité et de toute finalité. À partir d’un mélange de contingences et de contraintes, de relations de causalité. À partir, selon les mots attribués à Démocrite, du hasard et de la nécessité.
« Les mêmes éléments qui forment le ciel, la mer, les terres, les fleuves, le soleil, écrit Lucrèce, forment aussi les épis, les arbres, les êtres vivants.
Mais les mélanges, l’ordre des combinaisons, les mouvements, voilà ce qui diffère.
Réfléchis.
Même dans les vers des poèmes, tu vois de nombreuses lettres communes à de nombreux mots. Et cependant, ces vers, ces mots, est-ce qu’ils ne sont pas différents, à la fois par le sens et par le son ?
Tel est le pouvoir des lettres quand seulement l’ordre en est changé. »
Dix-neuf siècles avant que les sciences européennes modernes abandonnent la notion de vitalisme – l’idée que le caractère si particulier du vivant ne peut être dû qu’au fait qu’il est constitué d’une matière vitale, différente de la matière qui constitue l’univers matériel non vivant- Lucrèce déclare que la matière dont sont faits les êtres vivants est de la même nature que celle qui constitue l’ensemble de l’univers.
………..
« Il existe un grave vice de pensée, écrit Lucrèce, une erreur qu’il faut absolument éviter.
Le pouvoir des yeux ne nous a pas été donné, comme nous pourrions le croire, pour nous permettre de voir. Toute explication de ce genre est à contresens, et prend le contre-pied de la vérité.
Rien en effet ne s’est formé dans notre corps en vue de notre usage, mais ce qui s’est formé, nous l’utilisons.
Tous nos organes existaient, à mon sens, avant que nous n’en fassions usage, et ce n’est donc pas en fonction de nos besoins qu’ils ont été créés. »
Que pensez-vous de tout cela ? A vos plumes !